Un peu d’histoire

Parcours d'une nouvelle éparchie pour les Maronites de France

(Extraits d’une conférence prononcée par Mgr Maroun-Nasser GEMAYEL lors d’un colloque à l’Institut Catholique de Paris, le vendredi 16 mai 2014, « Parcours d’une nouvelle Eparchie pour les maronites de France et d’Europe »).

Le 21 juillet 2012, un événement d’une très grande importance a marqué l’histoire de la présence des maronites en France : une nouvelle structure ecclésiale a été accordée à l’Église Maronite, à savoir la fondation d’une nouvelle éparchie orientale, relevant de l’Église Apostolique d’Antioche, sous la responsabilité de Mgr Maroun-Nasser GEMAYEL.

En fait, depuis le XIX° siècle, les patriarches maronites n’ont jamais cessé de solliciter, en vain, l’installation d’une éparchie qui prendrait soin de leurs fidèles, en France, et encadrerait leurs efforts, à savoir, tour à tour : les patriarches Youhanna HAGE, Elias HOYEK, Antoun ARIDA, Paul MEOUCHI, Antonios KHOREICHE, et Nasrallah SFEIR. L’accord ne sera, enfin, obtenu qu’avec Sa Béatitude Mar Béchara Boutros, cardinal El-RAHI.

Déjà, à partir du début du XIX° siècle, des ressortissants maronites fuyant le Liban et Alep, émigraient vers les Amériques. Passant par Marseille, plusieurs familles s’y sont installées sans pouvoir toutefois obtenir un lieu de culte propre à eux. Alors qu’à Paris, une simple délégation, formée d’un prêtre, représentait le patriarche auprès des autorités françaises, tant religieuses que politiques, depuis le 1er septembre 1892. La chapelle du petit Luxembourg fut mise à leur disposition par le gouvernement anticlérical de l’époque ; car cet « anticléricalisme n’était pas un article à exporter », professait un Léon GAMBETTA. L’inauguration a eu lieu le 12 février 1893, à la fête de Saint Maroun. En 1905, ils se transportèrent à la chapelle de l′Abbaye-aux-Bois, rue de Sèvres, puis à la chapelle de l′Hôpital Trousseau ; puis enfin, à la chapelle de l’Ecole Préparatoire Sainte Geneviève des Pères Jésuites de la rue d′Ulm. C’était en 1914, à la veille de la première guerre mondiale, mais l’inauguration de l’Eglise Notre-Dame du Liban n’a eu lieu que le 11 juillet 1915, en pleine période de guerre.

Depuis ce temps-là, l′Église Notre-Dame du Liban à Paris était devenue un centre religieux et familial, et fut également le pivot de vie nationale des Libanais, à Paris et en France. Formés généralement de commerçants, de médecins, d’avocats, de professeurs d’Universités, de banquiers, de gérants de restaurants, de directeurs de sociétés, d’industriels, mais surtout d’intellectuels, en contact permanent avec ceux d’Égypte et des États d’Amérique du Nord et du Sud, les Maronites de Paris jouèrent un rôle politique et culturel de premier ordre, soit en développant une littérature libanaise en langue française, soit en s’acharnant à œuvrer pour la création de l’État du Liban, et de son indépendance, à la suite de la chute de l’Empire ottoman.

L’Église Notre Dame du Liban est la première paroisse maronite en Europe depuis 1953. Elle fut érigée par le Cardinal FELTIN. Le nombre de ses fidèles ne dépassait pas, à l’époque, les 3000 personnes. Ce nombre n’a cessé d’augmenter par suite du débarquement à Paris de plusieurs familles, mais surtout avec l’arrivée de bon nombre d’étudiants, entre les deux guerres, sous le mandat français.

Mais c’est à partir de 1975 que la grande nouvelle vague d’émigration maronite en France prit une autre allure. Des milliers de familles, fuyant la guerre, ou venant d’Afrique, s’installèrent à Paris ou à Marseille et aux environs de ces deux métropoles. Les étudiants, empêchés souvent de rentrer au pays, s’installèrent également en France, pour de bon. Ainsi, assiste-t-on, à un passage d’une présence individuelle, estudiantine, prête à repartir au pays, une fois les études terminées, à une présence familiale, durable et collective, voire une insertion et une intégration sociale, économique et politique. Trois paroisses se dessinèrent, lentement, dans les trois principales villes : à savoir, Paris, Marseille et Lyon, alors que des messes étaient célébrées, occasionnellement, dans les différentes villes de France lors d’un passage de tel évêque maronite, ou de tel prêtre. Il appartenait à l’archevêque de Paris de désigner un ordinaire, selon le droit canon, pour s’occuper de la vie religieuse et pastorale de tous les chrétiens d’Orient en France ; l’Orient étant considéré comme le frère pauvre. Il l’était politiquement, culturellement et matériellement. Du coup, des prêtres étaient présentés par l’Église maronite à l’archevêque de Paris qui les désignaient curés des trois paroisses respectives qui ont accaparé le service religieux des maronites de France durant plusieurs décennies.

L’effectif à Paris et aux environs, étant devenu tellement nombreux, des missions s’étaient créées autour du monastère Saint Charbel, à Suresnes, une deuxième à Bordeaux, une troisième à Alfortville, et une quatrième à Angers, et d’autres à Monaco, à Nice, à Valence, à Clermont-Ferrand, à Nantes, Le-Mans, à Toulouse. Quatre de ces missions furent converties comme paroisses, après l’érection de l’Eparchie. Actuellement, nous travaillons sur les autres missions qui seront reconnues prochainement en paroisses, particulièrement : Val d’Oise, et Meudon, au nouveau siège de l’éparchie. Nous avons besoins de prêtres pour honorer tous les appels de nos fidèles qui nous viennent de Lourdes-Tarbes et Pau, de Strasbourg, de Rennes, de Nancy, de Lille, de Cannes et les alentours, de Laon, de Tours… et combien d’autres localités. Nous pourrons atteindre facilement, plus de vingt paroisses sur tout le territoire français….

Ce qui a déterminé la fondation de l’Éparchie Notre-Dame du Liban de Paris des Maronites ce n’était pas seulement l’augmentation du potentiel humain social, ecclésial et culturel, en France et en Europe, par suite de la guerre du Liban, mais c’était surtout l’évolution des mentalités : accepter qu’il y ait, sur un même territoire catholique, une autre juridiction catholique orientale antiochienne, priant en langue arabe et syriaque.

Remarquons enfin que l’évêque tente de mettre en place une nouvelle conception pastorale capable de passer d’une pastorale traditionnelle statique, à une pastorale missionnaire dynamique, qui pousse à aller à la rencontre des fidèles, au lieu de les attendre venir jusqu’aux lieux de culte.

Pour finir, l’accent est mis également sur le rôle du peuple fidèle dans l’accélération de la mise en place des paroisses. C’est grâce à l’engagement des fidèles laïcs que la fondation de l’Eparchie a été vite entérinée.

La création d’une éparchie pour les Maronites de France montre que leur identité est dorénavant reconnue en France, non comme des individus ou des communautés isolées, mais plutôt comme une présence d’Église, témoin de foi, d’espérance et de salut.